Une histoire sombre qui nous montre du doigt le malaise ressenti dans la routine, et ce qui peut éventuellement en découler… Le texte est parlant, et l’intrigue poignante.

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Chroniques contemporain

Le camion

Ne me demandez surtout pas pourquoi, j’ai commencé ce livre en m’attendant à un thriller… On est donc partis du mauvais pied lui et moi, parce qu’on est quand même bien plus dans le roman noir, sombre, une tranche de vie à découvrir à travers les mots de son auteur, Alexandre Clément.

Je vous laisse là un résumé pour commencer 🙂

A Marseille, dans les Quartiers Nord, le hasard est grand et quand on est victime de vol et de violences plusieurs fois dans la même nuit, le destin bascule vers l’inconnu. Les ondes de chocs de ces événements apparemment mineurs et courants retentissent dans toute la ville, provoquant des drames en séries. La violence est présente à tous les coins de rue. Le protagoniste qui s’est fait voler son camion doit alors faire face à des choix, des questions qu’il ne se serait jamais posées dans d’autres circonstances. Cette balade sans issue dans les quartiers périphériques d’une ville en déshérence va le transformer. C’est l’histoire d’un destin aussi bien que des fractures d’une ville en train de mourir.

C’est pas tout ça, mais alors ce livre d’Alexandre Clément ?

Au début, en plus de mon amalgame, j’ai été assez surprise. Sans vous spoiler, il y a plusieurs pages qui sont… le monologue d’un chauffeur. Non pas que ce soit désagréable, mais j’ai eu du mal à me connecter au personnage et encore plus à entrer dans le livre. La première chose que je me suis dite ? « Arf, 264 pages comme ça, je ne sais pas lui, mais moi je vais péter les plombs ».

Têtue ? Vous avez dit têtue ? Parce que oui, j’ai continué ! Alors voilà mon premier ressenti, « c’est chiant, mais pourquoi pas ? » 😀

Et vous savez quoi ? Bah je ne suis pas déçue 🙂
En effet, une fois dedans, ce livre est plutôt pas mal du tout, en fait ! Déjà parce que la partie monologue, c’est tout simplement une mise en place du contexte et du ressenti du protagoniste : indispensable à la suite. Un vrai jeu d’échecs dans lequel tout est dit. De l’amertume d’une vie banale et sans surprise, une envie de changement mais sans savoir lequel, une routine installée, ni heureuse ni malheureuse. Un type ni bon ni mauvais, juste un gars ordinaire, avec une famille ordinaire et une vie ordinaire.

Quelle surprise quand l’intrigue d’Alexandre Clément se développe

En effet, au premier abord, j’aurais dit « ça prend trop de temps ». Pourtant, une fois les fameuses pages passées (ce qui a pris le plus de temps dans ma lecture), j’ai fini le reste quasi d’une traite.

Pourquoi ? Parce que l’auteur a su intelligemment poser les pièces là où ça fait mal. Sans le vouloir, sans parfois même m’en rendre compte, j’ai suivi le protagoniste dans son dérapage incontrôlé, dans sa « deuxième chance ».

C’est en tout cas ce que j’ai pensé au début…

Ensuite viennent s’ajouter au récit les joies des fractures socio-culturelles, les différentes façons de penser mais aussi de vivre… Je ne pourrais pas dire si ce que j’ai lu est véridique, et honnêtement, je m’en fiche. Ce qui est intéressant dans ce livre, c’est la critique que j’y ai puisée. J’ai vu ici une critique sociale, une critique politique, une critique judiciaire…

Je n’aurais pas la prétention de dire que je sais que c’est le message que l’auteur a voulu faire passer ou non, mais ce que j’en ai compris m’a plus en ce sens, alors je vais le garder 🙂

Critique, vous avez dit critique ?

En effet, j’ai d’abord vu évoluer des gens différents de moi et, dans les descriptions crues, la première question qui m’est venue a été « non mais, qu’est-ce que c’est que ça ? ». Comme un jugement malgré moi, un sentiment qui m’a fait m’énerver toute seule, comme une grande.

Au fil des pages, les idées prennent forme et je me dis qu’au final, même si on ne le fait pas de la même manière, on a tous un truc ou deux qu’on voudrait changer dans notre vie, alors pourquoi pas comme ça ? On part d’une famille « banale » de prolétaires pour arriver dans les bas-fonds anarchiques d’un quartier reculé. Et si au milieu de tout ça, on retrouvait une humanité hors pair ?

Alors voilà, le caillou dans le rouage, c’est le vol du camion. Mais l’histoire est bien moins banale qu’elle ne pourrait sembler. En effet, on avance sur un chemin tortueux nous entraînant au travers d’une justice fatiguée (volontairement ou non), d’un quartier qui se meurt, et des gens qui attendent de manière différente… la fin.

Les personnages d’Alexandre Clément

Si certains m’ont vraiment touchée, d’autres m’ont agacée. J’en ai trouvé qui avait un caractère un peu trop à part pour que je puisse me sentir concernée, et qui avaient une façon d’être bien trop « surjouée » pour moi. Alors attention, je sais que les gens qui surjouent existent, donc je ne remets pas pour autant la crédibilité des personnages en doute, mais… juste ils m’agacent 😀

D’autres en revanche montrent une certaine puissance. Bien ficelés dans leur ensemble et avec une approche plutôt bien pensée, les caractères secondaires sont pour la plupart crédibles et à double face. Intéressants de par leur côté ambigu, j’ai aimé traverser le quartier à leur côté… J’avais envie de partager avec eux un moment, aussi futile soit-il, et c’est fait 🙂

Le protagoniste quant à lui, bah je m’y suis accrochée, à chaque page un peu plus. Il faut dire que son expérience, si elle me semblait complètement rocambolesque au début, m’a donné de plus en plus de raisons de me questionner ensuite. Ce que j’aurais pu prendre pour du n’importe quoi est devenu un simple « j’aurais peut-être bien fait la même chose ». Bref, la chute est intéressante, vraiment, et je pense encore aujourd’hui, quelques jours après ma lecture, qu’au final, je l’envie presque. Attention, pas de me faire voler un camion ou de me faire « casser la gueule » à un coin de rue, mais dans sa force de caractère et dans sa volonté de ne pas vouloir revenir en arrière. Parce que bon, on connaît tous la chanson du un pas en avant trois en arrière, surtout quand on ne sait pas ce qui nous attend…

Et l’écriture ?

Bah elle est crue ! Pas de fioritures, pas de grandes envolées… On parle du peuple avec le langage du peuple que l’on décrit. Bref, tout colle ! Que ce soit dans les descriptions des lieux, des gens aux alentours, des états d’âme des uns et des autres… Tout est dit de façon à ce qu’on ne perde jamais de vue à qui on a affaire. Je ne connais pas Alexandre Clément, son passif, sa vie, sa classe sociale, etc. Même si je ne sais pas de quel milieu il est issu ni dans lequel il vit, je trouve que les dialogues et la narration sont très bien pensés, pesés !

Ce qui au début m’a surprise est aussi ce qui m’a séduite. J’ai aimé le rapport aux mots, qui ne sonnent pas forcément juste à mon oreille, mais qui sonnent juste dans la bouche du personnage qui les prononce. Au final, c’est ça qui est important, non ? Que le personnage parle comme il le doit et non comme on le voudrait. Les idées des uns et les paroles des autres m’ont remuée, mais pas de façon péjorative.

Le hic ? Les chapitres ont pour titre la première phrase de ces derniers. Cela a rajouté une petite redondance à la lecture qui n’était du coup peut-être pas nécessaire.

En bref ?

Une entrée dans le récit un peu compliquée. Une intrigue qui démarre lentement mais sûrement. Des personnages bien pensés, une histoire bien ficelée, bien que, à mon goût, pas toujours des plus vraisemblable, une critique intéressante. De fait, une idée originale avec des ingrédients plutôt pas mal trouvés. Il m’a manqué cependant une pincée de je ne sais quoi, et on n’est pas sur un coup de cœur. Mais pour l’analyse et l’originalité, chapeau l’artiste ! 😀

Et si vous aussi, vous alliez faire un tour du côté de chez Alexandre Clément ? Parce que l’air de rien, même si je reste mitigée sur certains points, ce fut un très bon moment de lecture.

Je vous laisse là de quoi le feuilleter ! 😀

Bonnes lectures ! 🙂

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