L’homme qui courait sa vie

Que dire ? Encore une histoire décapante de l’homme qui manie les mots.
Je vous laisse là le résumé :
La ligne d’arrivée du semi-marathon auquel Martin participe chaque année est proche.
Une fois franchie, il retrouvera la routine d’une vie qui lui échappe. Alors, malgré le caleçon trempé de sueur qui le démange à l’entrejambe, Martin continue de courir.
Tant pis s’il ne sait pas où il va.
Après tout, ce n’est pas la destination qui compte, mais la manière de s’y rendre…

Alors quoi ? Pour ma part, en parcourant les premiers chapitres, je me suis dit un truc du genre « ah ! Un Tahtiemachin qui ne va pas faire mouche ! (rire diabolique) ». Eh ben voilà, erreur…

Il faut dire que je ne me suis pas laissé prendre au jeu dès le début, et que j’ai trouvé les premières pages un peu longues. Je pensais que l’histoire allait être banale, un peu « déjà vue », et que cette banalité allait me lasser bien vite. Ce serait sans compter sur la plume de l’auteur et son savoir sans pareil pour parler de choses courantes avec une ferveur qui les rend complètement inédites et originales. Ce bouquin, c’est un rappel à l’ordre : un de ceux qui nous sonnent dans l’oreille de temps à autres, que l’on oublie souvent, mais qui nous dit que rien n’est acquis, qu’il faut se bouger pour garder notre vie comme elle est, sinon mieux, et profiter du quotidien sans se laisser bouffer par la morosité. Pourquoi ? Parce que rien n’est éternel et qu’on a tous quelque chose à perdre. Une petite introspection sur ce que l’on a plutôt que bader ce que l’on pourrait avoir, c’est pas mal, non ? Avoir l’ambition de se battre pour atteindre ce qui est à portée sans avoir d’avidité, sans tomber dans la convoitise ou l’excès… Voilà quelques points à ne pas lâcher…

On est ici aux côtés de Martin qui, jusque là, menait une vie paisible auprès de sa femme et de ses enfants. Une vie peut-être trop paisible, peut-être trop prévisible, peut-être trop « automatique », celle qu’on laisse couler au gré des jours sans bien vraiment se rendre compte du temps qui passe. C’est au matin où il se retrouve au pied du mur qu’il choisit de fuir, mais pas de n’importe quelle manière. Martin, un sportif du dimanche, part comme tous les ans faire son semi marathon, dont il a décidé de ne pas revenir. Rentrer chez lui voudrait dire qu’il abandonne la partie, qu’il accepte l’échéance sonnée comme un glas par sa femme le matin même, qu’il laisse son couple fatigué se déchirer. La mort à petit feu, ce n’est pas son truc à Martin, alors quand il n’y a plus d’issue et que les décisions semblent trop compliquées, il va de l’avant et fuit le destin encore plus fragile qui l’attend.

En effet, comme il est dit dans le résumé, ce n’est pas la destination qui compte ici. On ne va pas se mentir, ce livre ne m’a aucunement donné l’envie de chausser mes baskets et d’aller courir un marathon, mais… Oh mon Dieu, il m’a quand-même mis un petit coup, celui de me rendre compte qu’on est tous un peu Martin (oui oui, même ceux qui ne veulent pas l’admettre). Du coup, j’ai littéralement dévoré les pages au fil des rencontres de notre protagoniste. Elles sont toutes belles, humaines, pleines de sens, et redonnent envie d’aller de l’avant (avec ou sans fuite). Peu importe où va Martin, ni même le pourquoi il y va, mais il est vrai que le comment est beau.

Le roman est écrit au présent. Des mots qui claquent, des pensées qui remuent, des idées au départ un peu torturées et sans appel qui finissent par devenir un réel questionnement, et ce dernier fait écho. Les dialogues coupent le récit pile poil comme il faut. Ni trop présents, ni trop absents, le dosage est parfait pour qu’on ne sombre pas dans les idées noires, mais qu’on suive quand même notre Martin jusqu’au bout, en lui laissant le dur labeur de l’essoufflement. Il court, il se parle, on réfléchit… Bref, lire l’ouvrage est un travail d’équipe. L’écriture est fluide, les mots sont pesés, les personnages attachants et l’intrigue soignée.

Bien évidemment, on ne trouve pas ici un grand suspense. On est loin des thrillers de l’auteur, mais qu’importe ? Les lignes font sens et interpellent… Pas de fioritures, de belles descriptions sans en faire trop… pile assez pour me donner envie d’aller voir le bas de la côte, celui que je ne connais pas, et pourquoi remonter vers les routes de Charentes…

J’en resterai donc sur un merci. MERCI pour ces mots, pour ces dialogues souvent touchants, sympathiques et régulièrement empreints d’humour, pour ces personnages qui attendrissent, tantôt penchant sur la mélancolie, tantôt vers l’espoir, pour ces lignes et cette lecture dont la fluidité est encore une fois au RDV… Bref, pour plein de choses. Un road movie (en livre tssssss), une tranche de vie à ne pas rater et dont chaque page se tourne avec le sourire aux lèvres ! 😉

Je ne fais jamais l’exercice, mais parce que c’est vous, je vous colle là un extrait qui m’a émue…
« Les adieux sont chargés en émotion. Ces gens-là sont de ceux qui cachent leurs sentiments, qui ne pleurent pas en public, qui évitent les effusions et les démonstrations impudiques, mais les yeux, eux, ne trompent pas. C’est une lueur, une pellicule humide qui les recouvre, et qui en dit long sur le remue-ménage qui étreint les êtres sincères. En deux jours à peine, je me suis attaché à eux comme jamais je n’aurais pu l’imaginer. J’ai parfois passé des semaines et des mois à côté de collègues ou de connaissances dont j’ai tout oublié sitôt l’au revoir adressé. D’autres s’impriment en moi, comme un tampon à l’encre indélébile qui laisse le mot merci là où l’on ne le voit pas. Et ce n’est pas une cicatrice, plutôt un tatouage élégant qui embellit. »

N’en oublions pas la couverture aussi, elle est assez parlante : et vous, quel chemin prendriez-vous si vous étiez au pied du mur avec autant d’ouvertures vers l’inconnu ?
Voilà, les copains, c’est sur ces mots et ce bon souvenir que je vous laisse à vos lectures… celles-là-mêmes que je vous souhaite excellentes 😉

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