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Chroniques polar thriller

Oskal

On va commencer par un petit résumé (au cas où vous n’en auriez pas encore entendu parler :
Été 2010, dans un bois proche de Besançon, une joggeuse disparaît. Elle ne sera jamais retrouvée et, étrangement, l’affaire sera vite classée. 2018, à proximité de Toulouse, une danseuse de cirque est retrouvée morte. Pour le jeune capitaine Damien Sergent et ses coéquipiers, cette affaire a toutes les apparences d’un suicide… jusqu’à ce que certains éléments les conduisent à Besançon. Sur place, certaines personnes ont tout intérêt à ce que le passé ne soit pas déterré… Entre manipulation, influence et souvenirs douloureux, l’équipe de Damien Sergent évolue désormais en terrain hostile. AUTEUR Guillaume Coquery a grandi au pied des Pyrénées. Primé dans plusieurs concours de nouvelles, avec OSKAL il signe le premier opus d’une trilogie.

Qu’est-ce qu’il a de spécial ce livre ? D’abord, son intrigue. En plus d’être rudement bien ficelée, elle nous fait voyager. Les deux réunis, c’est pas mal 😉
Nous accompagnons une équipe d’enquêteurs du sud ouest au nord est, en ayant quelques petits passages par la Russie (non non, ils n’y vont pas eux-même, mais les personnages nous y envoient, nous.)

Du coup, à travers ses traversées, nous sommes toujours un peu bousculés. Parce qu’il y a la géographie, mais il y a aussi le temps. L’histoire va se dérouler sur plusieurs générations, et dans plusieurs milieux.
Pour être plus clair, nous arrivons dès le premier chapitre en 2018, à St Gaudens (près de Toulouse) alors qu’on termine juste le prologue qui lui, se déroule en 2010 à Besançon (près de Besançon 😉 ). Nous sommes dans ce perpétuel mouvement entre ces deux périodes avec même, au milieu et pour notre plus grand plaisir, des passages en 2014 ou encore en 1957. Niveau géographie, nous avons aussi du Besançon en 2018, parce que sinon ce ne serait pas drôle…
Bref, vous me lisez et vous vous dites certainement en même temps « ouais, c’est le bordel quoi ! » Et ben oui, m’sieur dame, c’est vrai. Mais voilà, l’auteur est doué, très doué. Parce qu’avec ses précisions dans le temps, ses bonds de droite à gauches, d’avant en arrière… Pas une seule fois il ne m’a semée, et ça, c’est plutôt pas mal, non ? On s’aperçoit donc très vite qu’une disparition en 2010 est plus ou moins liée à l’affaire actuelle, mais les trames qui nous amènent sur le « comment » représentent un énorme sac de nœuds dans lequel l’auteur nous jette avant d’en défaire petit à petit les rouages. On se laisse alors piéger, trimballer, secouer au milieu de tout ce cirque avec un réel enthousiasme. Sans quitter des yeux notre équipe solidaire, on entrevoit par petit bout les failles qui ont été commises dans le premier événement.

Ensuite, on a les personnages. Ces derniers sont travaillés, torturés parfois, Guillaume ne les épargne pas, et ça rend une sorte de véracité à l’intrigue. Ils ont tous leur passif, leur histoire et leur culture qui les met en avant à un moment ou à un autre pendant le récit. Même si le Capitaine Sergent est le « chef » d’enquête, il ne prend pas le dessus sur son équipe. TOUS ont un rôle défini, TOUS ont un charisme particulier qui leur est propre et TOUS emmènent une pierre à l’édifice de l’enquête en cours. Au même titre que nous avons beaucoup de basculements sur la timeline, nous avons beaucoup de protagonistes. Quelques personnages secondaires vont venir étoffer la petite foule afin d’immerger un peu plus l’histoire dans son contexte temporel et social. Je parle de social parce que nous avons notre équipe de flics, mais aussi la mafia russe, en passant par un cirque itinérant. Je vous laisse donc deviner que tout ce petit monde ne vit pas de la même façon son quotidien. On les verra traduit parfois par la différence de champs lexicaux utilisés, parfois par de petites touches d’humour discrètes et bien placées dans cette affaire peu réjouissante.

Autre chose ? La plume. L’auteur marque ici des scènes violentes, des crimes relativement atroces (enlèvement, viol, drogues…) sans jamais tomber dans le cliché du gore. Toujours à la limite du glauque, ses descriptions sont accessibles et très bien formulées : on comprend tout à fait ce qu’il se passe et comment ça se passe, et si je me suis trouvée une ou deux fois à détourner les yeux des lignes, c’est non pas à cause de ce que je lisais, mais à cause de ce que mon imagination me laissait voir. Du coup, je me permettrais donc de dire que les descriptions sont excellentes (parce que je vous laisse deviner que je n’ai jamais pris de drogue assez violentes pour vous déclencher des nécroses…), si je m’y voyais, c’est qu’il y avait le bon mot, au bon endroit, que mon cerveau a accroché les détails que l’auteur implante dans ses phrases. Quand la lecture devient cinématographique et que votre œil met les mots en image, c’est qu’on n’est pas loin du génie. Tout ça est exacerbé par la simplicité et l’accessibilité du vocabulaire, les mots sont tranchants, précis et positionnés intelligemment, ce qui rend le récit vivant et percutant. Il y a des dialogues incisifs, bercés entre les remarques utiles d’enquêteurs compétents et l’humour qu’ont ces derniers (oui, je sais que quand on parle des forces de l’ordre, ce n’est pas l’humour qui nous vient en premier, et pourtant…). L’équipe devient donc humaine et réfléchie. D’ailleurs, les surnoms donnés aux personnages montrent bien ce dernier point (leur humanité). On ne parle pas de l’OPJ ou du sergent, ou du commandant, mais de la brune, de Leds ou encore de Dam… On ne lit plus les tribulations de l’équipe, mais on accompagne celle-ci.

Enfin, on notera l’effort de recherche qu’a fait l’auteur sur les différents sujets qu’il aborde. On sent qu’il y a de la recherche et une volonté pointilleuse de travailler sa crédibilité, et ce ne fut pas pour me déplaire. Bien évidemment, je n’ai pas été tout vérifier dans les détails… (et puis ce n’est pas non plus le rôle de la lecture) mais l’ensemble en tout cas se tient, et se tient bien.

Un dernier point mais pas des moindres, même si c’est écrit, précisé… j’avais oublié qu’il s’agissait là d’un premier opus. Arrivée à la fin, Guillaume me le fait bien sentir. S’il y a un point noir à relever au milieu de tous ces bons ingrédients, c’est celui-ci : un cliffhanger tel est une torture ! Alors toi, l’auteur, celui qui m’a tenue éveillée toute une nuit parce que je voulais finir ton livre et voir jusqu’où tu allais nous trimballer, sache que j’attends la suite avec impatience, et que si j’ai de la chance, RDV le 5 août ! 🙂

Bref, vous l’aurez compris, j’ai passé un très bon moment de lecture et vous conseille vivement ce petit bijou aux rebondissements intéressants et à la plume agréable qui frôle le coup de coeur, bonne lecture à tous ! 🙂

En remerciant M+editions pour avoir fait remonter l’auteur en tête de PAL 😉

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