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Chroniques fantastique

La masculine

Voilà un livre surprenant !
Le premier point qui en dit long sur l’originalité de l’écrit, il s’agit d’un oulipo. Alors, un oulipo, qu’est-ce que c’est ? C’est l’ouvroir de littérature potentielle, généralement désigné par son acronyme OuLiPo, un groupe international de littéraires et de mathématiciens se définissant comme des « rats qui construisent eux-mêmes le labyrinthe dont ils se proposent de sortir. » En gros, un défi littéraire, « une contrainte » que s’inflige l’auteur afin d’emmener de nouvelles créations. Nous avons plusieurs exemples comme la volonté de ne jamais utiliser une lettre en particulier ou s’amuser à faire ses phrase avec des mots qui commencent par la troisième lettre du mot précédent… En gros, beaucoup d’imagination pour un exercice complexe. Ici, nous avons donc un livre entier sans un seul mot masculin.

Voici un petit résumé :
« La Masculine » est un Oulipo qui ne comporte aucun mot masculin, une contrainte littéraire qui entre en résonance avec l’histoire elle-même alors que les Académiciens féminisent quelques métiers. L’autrice a féminisé toute la langue française.
À Paris, dans une époque future, une maladie étrange a fait disparaître les hommes et les mots masculins. La rédactrice, L K, une jeune femme audacieuse comprend que les femmes vont s’éteindre à leur tour. Après moult péripéties professionnelles et familiales, elle finit par découvrir ce qui pourra peut-être sauver l’humanité. »

Vous l’aurez donc compris, en plus de l’originalité dans le style, il y en a une dans l’intrigue. Nous avons déjà vu les scenarii concernant la potentielle stérilité de la Femme… mais là, l’auteure va plus loin encore. Elle propose l’après, la femme est en effet stérile, mais non pas par problème génétique, mais parce qu’il n’y a plus d’hommes. Rien que ce début a titillé ma curiosité. La suite n’en est que meilleure : nous sommes dans un univers où nous conservons ce que nous connaissons de la ville de Paris… mais où tout a changé, du nom de la rue à l’identité propre des bâtisses. La cathédrale est devenue champignonnière  et la tour F-elle est un tas de fer vieillissant.

Mélange des styles et beauté de la plume nous mettent au défi, nous aussi, car je me suis laissée prendre au jeu avec grand plaisir : je cherchais malgré moi un mot à connotation féminine 😉

Laurence Qui-elle (Kiehl) a joué avec brio avec la langue française, avec les mots, et ce pour notre plus grand bonheur. On voit dès lors la richesse de cette dernière mais aussi tous ses pièges que l’auteure évite, affronte… avec intelligence ! D’ailleurs, le sourire m’est tout de suite venu quand j’ai vu qu’on poussait l’affaire jusqu’à jouer avec son propre nom 😉 La protagoniste LK a-t-elle d’ailleurs quelque chose à voir avec tout ça ? Seule Laurence pourra répondre 😉

Passé ce long projet de syntaxe, grammaire et autre torture de notre belle langue, il y aussi l’idée qui est derrière qui est belle et drôle, il faut dire ce qui est. Nous avons, dès les premières pages, l’assaut de la féminisation, la langue a perdu les mots masculins en même temps qu’elle a perdu ses hommes, ses couillues. En pleine époque où on parle de réformes, de modification de règle de grammaire et d’orthographe, ce livre fait du bien. Poussée à son paroxysme, on voit ici ce que pourrait emmener l’écriture non genrée qu’on retrouve aujourd’hui régulièrement, l’écriture inclusive (parce qu’on la décrète comme sexiste envers les femmes, mais qu’est-ce que ce serait dans l’autre sens ?). Je ne sais pas si l’intention était de provoquer, d’amuser, d’étonner ou encore tout simplement de rendre curieux sur le sujet, mais quoiqu’il en soit, le résultat y est, je me suis régalée de cet enchaînement d’idées et de protocoles. C’est comme une enfant que je me suis amusée à ma faire mon interprétation… et que je vous conseille fortement d’en faire autant.

Ceci dit, il faut le savoir, ce livre n’est ni sexiste ni féministe malgré ce qu’on pourrait croire à la première vue. À aucun moment on ne voit un monde meilleur sous le diktat matriarcal. C’est de loin ce qui en fait toute la beauté et en fait, là encore, quelque chose d’original.

Bref, cet écrit, il est beau, original dans tous les sens du terme, un puits de culture, on y trouve humour et défi… que demander de plus ?
Puisque défi il y a, je vous lance celui de vous plonger dans l’univers particulier du livre et la plume fluide de l’auteure. Je remercie grandement Laurence de m’avoir permis de découvrir son roman qui n’est petit que par sa taille.

Bonne lecture à tous ! 🙂

 

Vous le trouverez par là 😉

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