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Jeu macabre

Concours de nouvelles proposé sur facebook par le groupe « mordus du thriller ».
Ce n’est pas peu fière que j’ai vu cette dernière apparaître dans les 15 finalistes.
Thème abordé : « je n’aurais jamais dû accepter »…

Voilà, bonne lecture ! 🙂

 

1 – Le choix

J’erre en bord de Garonne, à la recherche d’une âme sensible, vagabonde, qui se laisserait vite happer par des pensées mélancoliques ou encore à l’affût d’une promenade insouciante sous ce beau soleil de juillet, en bref, une cible facile. Si j’ai bien compté, nous sommes aujourd’hui dimanche. Pendant que certains s’enferment dans des grandes bâtisses ornées d’une croix (même si je ne saisis pas le principe d’aller vénérer quelqu’un en groupe), que d’autres restent au lit à se prélasser ou d’autres encore préfèrent partir en famille faire je ne sais quoi, je prends ma journée pour aller repérer les alentours, trouver celle qui fera l’affaire, celle qui donnera malgré elle le meilleur d’elle-même, celle qui saura combler mes attentes et celles de mon Maître. Ce Maître envers lequel j’ai toute confiance, qui a tout mon amour malgré mes ingratitudes passagères, et à qui je voue une fidélité jusqu’à aujourd’hui sans faille. Une relation solide s’est instaurée entre nous, et ce n’est pas pour nous déplaire. Mais voilà que je m’égare, il faut que je reste concentré…

Je marche donc, tranquillement, d’une apparence un peu sauvage afin qu’on ne m’approche pas de trop. Ce doit être mon choix, car je veux ce qu’il y a de meilleur. D’un caractère solitaire qu’on me reproche trop souvent, j’aime fouiner pour trouver la perle rare qui me fera remonter encore plus dans l’estime de Celui qui dirige ma vie actuellement. Voilà que ce dimanche matin, je la vois. Je ne saurais vous dire quelle heure il est ni quelle direction je prendrai, mais je sais d’ores et déjà que c’est elle que je suivrai.

Elle est belle, svelte, semble pleine de vie et d’entrain. Il me tarde de la tenir, de la serrer si fort qu’elle me supplie de la relâcher, ne serait-ce qu’un peu, pour qu’elle reprenne son souffle. Je suis dans un tel état d’excitation que je la vois déjà, les poils dressés, se donnant à moi, et au milieu des cris, il n’y aura que nous. J’en salive presque, je ne vois plus qu’elle, je la sens, elle fait quasi partie de moi. Alors que je m’apprête à l’aborder, la voilà qui se détourne, comme si elle ne m’avait pas vu. Hésitant, balancé entre colère et envie, je décide de me lancer à sa suite.

Alors que je la vois accélérer, je m’approche, à pas feutrés, car je ne voudrais pas qu’elle s’en aille trop loin. Je lui laisse quelques mètres d’avance, ces mêmes mètres qui la rassurent. Il faut dire que le terrain est grand, elle a la place de bouger, aller de droite et de gauche sans que je n’aie le temps de la retenir. Elle se retourne, me regarde avec insistance et reste là, devant moi. Je ne saurais dire si c’est de la détermination ou de la provocation. Quoi qu’il en soit, j’aime ça. Je l’ignore alors, pour qu’elle comprenne que j’aime bien jouer, laisser penser à l’autre qu’il a une petite chance d’avoir le dernier mot. Je ne voudrais pas qu’elle sache, dès le début, que sa vie se terminera d’ici peu. Là encore, c’est mon choix. Je la laisse donc vaquer à ses occupations sans la quitter des yeux trop longtemps, juste assez pour qu’elle m’oublie.

Je la regarde toujours, mais je sens bien que sa concentration s’amoindrit. Elle me tourne maintenant le dos, et je vois dans ses gestes que la méfiance n’est plus trop présente… parfait ! Je reste donc posé, appuyé contre un banc, à la regarder continuer sa balade dominicale. Je la vois tout dévorer du regard. Vue d’ici, elle a l’air bien naïve la demoiselle, à s’émerveiller d’un rien dans ce qui l’entoure. Perdue dans ses pensées, à collecter diverses brindilles ici et là. Je ne sais pas trop ce qu’elle cherche, mais elle me paraît presque touchante. Un air mutin, une innocence palpable, elle a dans le regard un petit quelque chose qui me fait frémir, une étincelle qui en dit long sur ce qu’elle est. Jeune et pleine de vie, on voit dans sa démarche l’envie d’aller de l’avant. La victime n’en est que plus belle. Je me fais prendre à mon propre jeu, et voilà que j’attends, je veux voir ce qu’il en est et ce qu’elle attend de cet instant.

Avec délicatesse, elle reprend ses gestes travaillés. Elle a un air de savoir ce qu’elle veut. Même si je n’ai aucune idée de sa quête, je la vois passer d’un point A à un point B avec une légèreté impressionnante. De petits bruits accompagnent ses mouvements, ça en est drôle. Je crois qu’elle oublie ma présence et s’adonne à son activité bizarre, elle semble chercher quelque chose de particulier. Intrigué, je la regarde encore, elle zigzague entre les hautes herbes et les feuilles séchées qui ornent le sol, comme une enfant. Sautillant de temps en temps, elle semble désormais n’avoir aucune conscience du danger qui l’attend. Je reste là, je le regarde, l’épie, et souhaite secrètement qu’elle ne me voie pas avant la dernière minute… Le goût de la surprise est le meilleur.

2 – La fille

Et dire que j’avais promis à la famille de ramener des petites décos d’intérieur, ils sont bien gentils mais les bords de Garonne ne proposent pas non plus grand-chose. Il faut fouiller, encore et encore. Ça demande toujours plus de patience et de concentration pour trouver le moindre ornement qui pourrait leur convenir. Il faut dire qu’avec leur volonté d’objets toujours plus détaillés, plus subtils, ils veulent beaucoup de choix. Le problème, c’est cette mode du « do it yourself ». Pourquoi ne pas tout simplement aller chaparder deux trois babioles dans le quartier ? Les maisons sympas, ce n’est pas ce qu’il manque, pourtant. Du coup, me voilà prise au piège de cette balade alors que je pourrais être tranquille dans mon petit nid douillet.

Me voilà donc partie, j’ai beau chercher dans les petits recoins de ce que me propose cet environnement direct, à part des fleurs séchées, des brindilles ou encore quelques feuilles, je ne trouve rien de bien intéressant. Peut-être qu’il y aurait des noix en tout genre qui pourraient traîner, mais j’ai un doute au vu de la saison.

Il faut que j’arrête de me plaindre, le temps est clément et une sortie estivale n’a jamais tué personne. Je me sens plutôt bien au final, il y a tellement d’odeurs et de couleurs que, le tout dans son ensemble est bien agréable à regarder. La seule chose qui me turlupine, à vrai dire, est cette impression d’être suivie. Le gros malabar de tout à l’heure ne m’inspirait pas vraiment confiance. Et puis, qu’est-ce qu’il faisait de ce côté de la berge ? Je ne l’ai jamais vu dans les parages. Ceci dit, il a bel et bien l’air d’être reparti, il est temps pour moi de reprendre mes recherches minutieuses afin de rentrer avant la nuit. Tant qu’à faire, je ne voudrais pas rentrer bredouille.

3 – La traque

Voilà que toute appréhension semble avoir quitté le corps de ma proie. Elle a l’air à présent heureuse, riche de plein de choses qui ne seront bientôt plus siennes. Refusant de la perdre, je me rapproche un petit peu de nouveau. Le jour commence à s’éteindre et n’ai toujours pas sauté sur l’occasion de l’aborder. Il faudrait absolument que j’enclenche la vitesse supérieure, car je ne veux pas qu’elle me sème. Mes desseins sont tels que je ne veux pas perdre trop de temps. Je sais bien que ce dernier m’est compté, il faut que je l’aie avant la nuit noire, c’est la seule restriction de mon contrat.

Je décide donc de m’avancer un peu, de me rapprocher d’elle, lentement mais sûrement. Elle n’a pas l’air si farouche, peut-être qu’elle pense s’être trompée sur le premier avis qu’elle s’est fait de moi. Elle me laisse venir à elle, mais elle sait aussi que plusieurs mètres nous séparent. Je ne veux pas qu’elle s’échappe, alors je ne vais pas trop vite afin de ne pas briser cette semi confiance qui s’est instaurée. Je continue d’avancer, elle recule de quelques centimètres. On sent qu’elle est perdue dans ses retranchements, pas tranquille, mais on dirait aussi qu’elle ne souhaite pas totalement fuir. Par provocation ? Par peur ? Par jeu ? Peu importe, le tout est qu’elle reste là. Je sens que je n’ai pas besoin de lui parler, le langage corporel est bien plus expressif. Je me contente donc d’un soupir qui en dit long, et je détourne le regard. Je la sens près de moi, si près que j’en aie des frissons. Je m’assois, la regarde de nouveau et fais un point rapide dans ma tête. Comment m’approcher plus encore, qu’elle soit assez proche pour que je puisse l’attraper, la tenir fermement sans qu’elle ne puisse se défaire de mon étreinte ?

Me vient une idée. Je me relève, m’étire, tourne la tête lentement de gauche à droite pour qu’elle comprenne qu’elle n’est pas vraiment l’objet de mes désirs. Croyez-moi, cela marche plutôt pas mal, l’ignorance. Elle semble rassurée, et même si son regard revient souvent croiser le mien, elle baisse sa garde petit à petit. C’est alors que je me rends compte : son odeur, son regard, sa façon de se déplacer, tout chez elle m’appelle. Malgré ses airs effarouchés, je vois bien qu’elle m’attend et qu’elle aussi prend un certain plaisir à ce que je la regarde et ne la lâche pas. C’est à ce moment-là bien précis que je décide qu’il est temps. Temps d’entrer en contact, temps de lui montrer ce que je veux et surtout, temps qu’elle accepte la donne. Je m’étire de nouveau avant d’avancer vers elle, à petits pas certes, mais confiants. Je la regarde droit dans les yeux et à aucun moment ne vrille de ma trajectoire, me voilà lancé. Je prends une grande respiration et, tel un félin, je me tapis littéralement derrière un tronc. Ce bord de Garonne ne m’aura jamais semblé si encombré. Je me cache de son regard qui prend une nouvelle couleur, elle semble dès lors inquiète. Cela se voit aux mouvements de plus en plus rapides de sa tête, ses petits pas s’accélérant, cherchant où se cacher. Je commence à savoir comment m’y prendre alors qu’elle commence juste à comprendre ce qui l’attend.

Je sens qu’elle est perdue. Elle accélère, perd ses repères, sa respiration se fait sifflante, elle pressent le danger, mais il est trop tard. Je suis déjà à l’affût de ses moindres mouvements, et alors qu’elle cherche une direction à prendre, je la regarde essayer une à une ses tentatives de fuite. On ne va pas se mentir, cela m’amuse beaucoup. Je vois le temps s’allonger sans que ça ne me dérange, car je sais que le sien diminue. Contrairement à elle, je n’ai de craintes, la patience reste maintenant ma force et je la regarde se débattre contre le vent lui-même. Elle me regarde une fois de plus, et ce fut comme un arrêt sur image, le temps se gèle et son regard se perd dans le mien. Je sens la peur, celle qu’on ressent quand on se sait coincé. Elle a peur, et dans un dernier espoir, tente le tout pour le tout. Elle m’agace, elle m’agace vraiment, car elle se sait perdante et toute cette course perdue d’avance n’est qu’une perte du temps précieux qu’il me reste avant d’aller rejoindre le Maître.

Pendant qu’elle s’élance pour un premier départ, voilà que je la rattrape avec des flammes dans les yeux. Je la cramponne sans peine, car elle n’est pas bien costaude. De nature un peu fluette, elle tombe avec une facilité à laquelle je ne m’attendais pas. La voilà déjà à ma merci, couchée sur le dos, tentant à peine de se débattre. Je pensais que le jeu serait plus dur, plus long alors je relâche la pression que j’exerce sur son corps, déçu. J’attends de voir ce qu’il en est. En effet, cela ne tarde pas, et voilà qu’elle tente de s’enfuir. Je vois le genre, elle est de celles qui aiment bien feinter, défier mon intelligence avec des gestes désespérés. Pensez-vous bien, ça ne se reproduira pas. Je m’élance à sa poursuite et lui prends avec violence le premier membre que j’arrive à atteindre. Dans un cri étouffé, je sens qu’elle panique, et c’est là que je commence à ressentir du plaisir : il était temps ! Elle se débat la garce, finalement, bien plus qu’au premier assaut. Content de moi, je lui appuie sur le ventre de quasi tout mon poids, et je sens qu’elle a du mal à respirer. Quand je sens son souffle court, j’en veux plus. Là encore, je libère un peu de poids afin qu’elle prenne conscience que je ne veux pas lui faire ce cadeau : lui ôter la vie aussi facilement. Je veux qu’elle me voie, qu’elle me comprenne, qu’elle sache que tout ici-bas n’est qu’un jeu. Dans tout jeu, il y a un vainqueur et un perdant. Je vois dans son regard qu’elle sait déjà à quel groupe elle appartient, mais je veux qu’elle pense avoir une chance, je veux qu’elle tente tout, qu’elle essaye. Alors je relâche encore un peu mon emprise et je la regarde. Elle semble complètement déboussolée, pauvre petite chose fragile. Tant et si bien que je ne sais plus moi-même quoi en penser. Alors que je réfléchis à quoi faire de plus pour faire durer mon plaisir, voilà qu’elle me surprend et m’échappe. Cette fois, il n’y a plus que la fureur qui dirige mes pas. Je me lance de nouveau à ses trousses et en grogne de colère.

4 – La fuite

J’ai beau chercher, je ne comprends pas. Ce rustre qui avait disparu aussi vite qu’il était venu réapparaît d’un coup, et de plus m’attaque. Qu’est-ce que je lui ai fait ? Pourquoi moi ? Je ne demande rien de particulier et veux seulement rentrer pour faire comprendre à la maisonnée que les décos simplistes, j’en ai marre. En quoi cela a-t-il pu provoquer la moindre volonté d’agression ? Je ne lui ai rien fait, pourquoi se jeter sur moi de la sorte ?

Heureusement que je suis fine et qu’il avait, pour un temps, perdu un peu ses esprits. J’ai même cru qu’il était pris de démence, et qu’il ne voulait pas vraiment s’en prendre à moi. Il avait dans le regard cette sorte d’hésitation. Dieu merci, le voilà semé… je ne sais pas quelle mouche l’a piqué.

Je ne veux plus perdre de temps à chercher encore dans chaque recoin ce qui pourrait faire le bonheur du cocon, je préfère rentrer sur le champ. Je reprends un peu mon souffle et je file, c’est décidé, même s’il manquera quelques trouvailles tant attendues. Je m’autorise à décevoir les miens tant que je reste en sécurité : il n’avait pas l’air de bonne humeur, le bougre. C’est en faisant le moins de bruit possible que je repose ce que j’avais durement ramassé un peu plus tôt à mes pieds. Je ne sais pas où est parti l’individu, mais je ne tiens pas à le recroiser. Je suis sûre qu’en passant par le petit sentier, ancien chemin de halage, il n’y fait pas trop sombre et, même si celui-ci est plus long, je devrais pouvoir rentrer plus sereinement. Il y a de plus de quoi se cacher régulièrement à travers les buissons et différentes zones non entretenues. Je me fais alors petite souris avant d’entamer ma marche, je me refuse de faire le moindre bruit et les quelques bruissements qui se font entendre derrière moi me font rater un battement de cœur. Je reprends donc ma course, rapidement mais discrètement, sans hâte, il faut rester sur ses gardes. Je file doucement, la respiration rauque et un rythme soutenu, j’ai l’impression de ne pas avoir de colosse derrière moi.

Voilà que je fatigue, je suis éreintée du chemin parcouru à cause de cette montée d’adrénaline qui finit par redescendre un peu trop vite. Un gros coup de mou me prend, je n’ai plus vraiment la force de bouger alors que je sens bien pourtant que je ne suis plus si loin. Il ne manquerait pourtant pas grand-chose. Voilà qu’une sorte d’étourdissement m’attrape au vol, je ne sais plus comment gérer mes émotions devenues un peu trop fortes, alors je m’arrête et ne peux m’empêcher de gémir. C’est dans cette situation quelque peu stressante que mon sang ne fait qu’un tour : je viens d’entendre un bruit, un bruit sec, quelque chose qui casse. Je me retourne, apeurée, sous tension, et je le vois. Malgré mon épuisement, il va falloir que je reprenne ma course, et il faut dire que la peur fait courir vite, mais je sens qu’il est trop tard.

5 – La mise à mort

Me voilà sur ses talons, je ne peux plus rien sentir que le sang me montant aux tempes. Je suis pris d’une rage folle et la rattrape en un rien de temps. Je lui fonds dessus et lui tords littéralement un membre. C’est dans un craquement sinistre qu’elle s’écroule devant moi. D’abord inerte, je vois bien pourtant qu’elle vit encore. La voir qui me prend pour un idiot finit de m’énerver, je lui saute dessus et la frappe. Je la fais tomber, se relever, et tomber encore. Ses râles incessants m’agacent, je sens qu’il ne lui reste plus vraiment d’énergie, mais j’en attendais tellement plus. Je suis tellement en colère que je fais de nouveau pression sur le haut de son corps, et je vois son regard s’éteindre doucement suite à un nouveau craquement. Voilà qu’une nouvelle vague de colère m’anime et je sors des lames. Je ne réponds plus de rien. Je lui fonds dessus alors que mes yeux ne voient plus grand-chose dans les siens pourtant restés ouverts, et je sens qu’elle connaît l’issue de cette lutte. Dans une sorte de couinement, entre peur et soumission, elle finit par s’abandonner et je sens son urine me couler le long des poils. Je prends cette situation pour une feinte, comme la précédente, et me sens exaspéré. Je fatigue d’autant de subterfuges, et je me refuse à lâcher ma prise. Il est hors de question que je perde de nouveau du temps pour une femelle qui ne sait pas ce qu’elle veut, alors je la regarde. Je ne porte aucun coup, juste je la regarde.

Sa respiration est faible, mais elle est là. Prenant certainement conscience que son jeu ne marcherait pas cent fois, voilà qu’elle tourne la tête et essaye de se libérer. Mais, ce coup-ci, j’ai prévu le coup et l’étau se resserre. Nos deux souffles s’accélèrent, nos pupilles se dilatent. Même si nos motivations ne sont pas les mêmes, on sent que nos réactions sont proches et que le but est bientôt atteint. Elle me regarde d’une façon qui ferait presque pitié, elle enchaîne les petits bruits discrets, étouffés par ma poigne dont elle n’arrive pas à se dégager et par le sang qui lui remonte la trachée. Elle semble prête à renoncer en se laissant tomber, face contre terre. Plus un bruit, plus un mouvement… je me demande sincèrement ce qu’il en est. J’attends. Je la vois de nouveau tenter de lever la tête et chercher du regard un semblant de pitié. Je ne sais pas si elle pense encore à fuir mais ne veux plus prendre de risque ni perdre de temps.

Sur le coup de colère qui se fait tellement puissant qu’elle comprendra qu’il s’agit du dernier, elle ouvre de grands yeux et couine comme jamais alors que je lève au-dessus d’elle une main garnie de lames tranchantes à souhait. Tout se passe si vite et si lentement en même temps, c’en est aussi grisant que surprenant. Pris par la colère et la frustration, je m’acharne, peut-être même un peu trop. La pauvre chose reçoit des dizaines de coups, une pluie d’ongles acérés qui vient lui dévorer les chairs. Elle n’a plus vraiment la possibilité de s’en plaindre, ni de faire du bruit, et encore moins celle de s’enfuir cette fois-ci. Dans un soupir révélateur, je pousse comme un râle de jouissance et observe mon chef-d’œuvre. C’est vrai que je ne l’ai pas épargnée, la pauvre, mais pourquoi faire autant de résistance quand on sait dès le début que le combat est perdu ? Tant d’acharnement alors qu’on savait tous les deux la tournure que prendraient les évènements. Alors que je me relève tout doucement, je me demande comment m’y prendre pour ne pas l’abîmer plus qu’elle ne l’est déjà, car je ne voudrais pas décevoir mon Maître. Il me laisse faire comme bon me semble vis-à-vis de ce que certains appelleraient une victime, je ne voudrais pas le décevoir, mais je veux que lui aussi prenne du plaisir à voir ce que je lui apporte. J’essaye donc d’être délicat… le plus possible.

Je cherche du regard un endroit sûr, un chemin à prendre sans être dérangé. Je vois que le sentier vers lequel elle se dirigeait, celui qui ramène aux lumières n’est pas emprunté régulièrement, des herbes et des déchets le recouvrent. Il me faudra plus de temps en passant par là, mais quelle importance, le tout est de ne pas me faire remarquer. J’ai beau être persuadé qu’elle ne manquera à personne, il faut savoir jouer discrètement. Je me faufile alors et commence ma marche avec ma proie qui est bien plus légère que je ne l’aurais cru, voilà qui va simplifier les choses.

Je suis partagé entre plaisir, frisson et peur. Tant que je ne suis pas rentré, rien n’est gagné, si quelqu’un m’aperçoit, il voudra certainement en aller de sa « gentillesse » en voulant tenter un sauvetage. Mais voilà, je m’y refuse, je ne veux pas que mon plan soit entravé par une intervention quelconque. Rien que d’y penser, j’ai le poil qui hérisse, j’ai un peu peur, mais suis aussi tellement excité. Il me tarde de la ramener au Maître, vraiment.

6 – Retour dans l’antre

Alors que je reviens chargé de mon cadeau, je rentre sans faire de bruit, aussi doucement que possible. Encombré, je ne sais pas comment m’y prendre, quelques faux pas me font perdre l’équilibre et casser un vase. Je sais déjà qu’Il va être de mauvaise humeur, mais Il sera tout de même content de ce que je lui apporte et ne se formalisera pas. De manière un peu gauche, il faut dire que je suis épuisé de ma dernière prouesse, je me faufile jusqu’à la chambre. Force de constater qu’Il n’est pas encore rentré, j’ai encore un peu de temps pour me reposer avant de lui montrer ma gratitude. Je dépose ma proie à mes côtés, avec autant de délicatesse dont je peux faire preuves alors que beaucoup de mes muscles sont engourdis, et je m’allonge sur ce coussin poire dix fois trop grand, mais qui épouse mon corps. Je m’en sers comme d’un cocon et dépose un dernier regard sur mon œuvre avant de fermer les yeux, satisfait. C’est en parcourant une dernière fois la pièce du regard que je finis par m’endormir, éreinté.

Je l’entends. Je ne sais combien de temps s’est écoulé entre ma chasse et son arrivée, mais je sais que c’est Lui. La porte claque et je l’entends prononcer quelques mots dans les escaliers. Je me relève et tente de sauver le peu de bonne impression que je peux laisser alors que « je sors du lit », je veux sauver les apparences. Une fois bien mis en place, j’attends avec impatience qu’il ouvre la porte qui nous sépare d’un entrebâillement. Il m’appelle, je reste campé fièrement, je sais être patient quand il le faut. Quand, enfin, la porte s’ouvre et qu’Il aperçoit enfin mon offrande encore dégoulinante, je vois dans son regard un mécontentement incompréhensible auquel je ne m’attendais pas et je l’entends alors hurler :

— Je n’aurais jamais dû accepter de garder le chat de la voisine !

FIN

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