Alabama

Voilà que le dernier Alexis Arend est sorti depuis une dizaine de jours, et vous savez quoi ? Il fait de loin partie de mes préférés de l’auteur. Il faut dire que j’apprécie particulièrement sa façon de conter, en règle générale. Parfois l’histoire est mignonne, d’autres fois originale, mais toujours empreinte d’une sorte de poésie, avec une fluidité et une énergie d’intrigue que l’on ne trouve pas partout. Nous sommes ici entre le thriller et le roman noir 🙂

Je vous laisse là le résumé :
« Que Dieu me pardonne, je détestais l’Alabama. Je le haïssais !
L’Alabama était le pays où toute la misère du monde avait choisi d’élire domicile. C’était le pays où se donnaient rendez-vous toutes les haines, toutes les iniquités, toutes les bassesses humaines. Aucune région du globe ne mettait un tel point d’honneur à annihiler la vie d’un homme, à le rabaisser, à lui faire courber l’échine jusqu’à le contraindre à ramper à terre, éreinté, vaincu.
Et, pour tous ceux dont le malheur était de ne pas avoir la peau claire, l’Alabama était tout cela aussi, en pire. Pour eux, il déployait tout son ignoble talent, il déchaînait toute sa noirceur contenue, toute sa dureté réfrénée. Oh oui ! Pour eux, l’Alabama se surpassait.
« Il n’y a rien de pire au monde, ni de plus éprouvant pour un homme, que d’être pauvre. Excepté le fait d’être un nègre, naturellement » , disait mon père.
Ô combien il avait raison ! »

Alors celui-ci, qu’est-ce qu’il a de particulier ? Je vous parlais d’intrigue mignonne, ici non. Non pas qu’elle ait mauvais fond, c’est rarement le cas avec Alexis, mais l’intrigue est dure : la ségrégation dans les états du sud. Nous sommes directement plongés dans une ferme en Alabama où un père vit avec son fils. Ayant perdu sa femme et son deuxième enfant, la vie est rude, les corvées sont plus nombreuses, le temps de repos quasi imaginaire et, pour combler le tout, nous avons donc des Blancs propriétaires qui font appels à une main d’oeuvre Noire. À cette époque (années 60), on a bien compris  que la parité raciale n’est pas. Pire encore, l’une est riche et éduquée là où l’autre est pauvre, singée et persécutée. Ici, nous aurons donc deux adolescents qui vont se lier d’une amitié forte dans un contexte particulier : plongés au sein d’un état beau, mais pauvre, nous avons des rôles qui ne coïncident pas vraiment à la « logique » de l’époque : des Blancs sont passés à un poil de la faillite et frappés par les coups durs. Un jeune Blanc ne sachant ni lire ni écrire, face à un Noir instruit qui aime s’évader à travers les pages d’un livre, voici l’univers dans lequel l’auteur nous projette.

Alors l’histoire, elle est « déjà vue », on connait tous ces histoires avec une jeune fille Blanche qui va tomber sous le charme d’un Noir… Histoire de romancer un peu une période plus que critique et une partie de notre histoire qui reste encore discutable. Mais l’auteur ici y met du coeur, de la passion et de l’intelligence. Pourquoi ? Parce que contrairement aux téléfilms de la 6 qui vont nous montrer que l’espoir arrive à bout de toute épreuve… Alexis nous montre que, à cette époque, espoir ou non, on n’échappe que rarement à un destin détestable, que le KKK n’est pas une association caritative, que les idées, préjugés ancrés dans les têtes de générations entières ne s’envolent pas d’un claquement de doigts. Bref, qu’avant tout, cette facette abjecte de l’histoire n’a pas été une partie de plaisir, mais qu’on se doit de s’en rappeler.

L’intelligence de ce livre ? Ça a été de nous faire ressentir tout ça, toute cette horreur, cette haine, cet affront toujours plus fort tout en gardant une part d’évolution des pensées. L’auteur ne nous met pas devant un héros qui va faire changer les mentalités en quelques jours, mais devant des jeunes qui veulent quelque chose tellement fort qu’ils arrivent à en convaincre certains en restant dans l’évidence, pas tous. On sent que les esprits concernés n’avancent pas au même rythme, que d’autres n’avanceront jamais, et on a donc un panel quasi complet d’hommes et de femmes qui vont, à leur manière, tenter d’exister au milieu de tout ça. Alexis a choisi de faire un microcosme dans une ferme, au lieu de nous faire un laïus magistral sur la situation dans son intégralité, et c’est ce qui rend ce livre aussi prenant : nous avons donc un échantillon de la population blanche ou noire à laquelle on va pouvoir s’identifier. Moins de monde, plus de données, plus d’ancrage dans l’histoire.

Et tout ça, fait dans une construction gérée à la perfection : nous sommes ici dans une sorte de legs, un livre remis à Will, convié aux funérailles d’un homme qu’il ne connaît guère. Du coup, nous plongeons dans l’histoire via une mise en abîme, un livre dans le livre qui parle de livres… 😉
Une bien belle manière de rendre hommage à ses personnages, à nous donner des indices sur ce qui a pu se passer pour ce microcosme entre les années 60 et aujourd’hui et tout cela, sans temps morts et sans exagérations !

Nous avons donc des personnages fouillés (même quand ces derniers sont secondaires), des caractères compréhensibles et des réflexions poussées de façon logique avec une prise de conscience dans le temps qui elle aussi se tient.
Entre sourires et pincements, nous avons là un livre vraiment sympathique, sublimé par une écriture fluide et efficace. Le ton change en fonction des personnages, ce qui fait que chaque identité est conservée. Bref, un véritable coup de coeur de par la justesse des mots, en passant par le thème abordé avec sincérité.

Un dernier petit plus non négligeable, la couverture ! J’en parle rarement, parce que j’avoue ne pas trop me fier à ces dernières. Mais celle-ci est belle, colorée et flamboyante. À l’image des descriptions faites dans le livre: j’ai jamais mis les pieds en Alabama, mais c’est tout comme ! Elle donne le ton 😉

Si vous ne connaissez pas l’auteur, je pense qu’il est légitime de commencer par celui-ci qui vous donnera un aspect assez complet sur l’écriture de Alexis, mais aussi sur des messages qu’il fait passer de façon poétique et intelligible : sans jugement, sans fioritures. J’étais restée sur Perdition que j’avais déjà beaucoup apprécié et qui, jusqu’à aujourd’hui, était mon préféré 🙂
Détrôné par le petit frère 😉

En remerciant l’auteur pour sa confiance renouvelée et en souhaitant une sacrée bonne route à Alabama ! 🙂

Bonnes lectures à tous 😉

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