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Chroniques thriller

Matière noire

Je referme Matière noire, un roman mélangeant plein de choses. Décalé et décapant, vous trouverez dans ses pages une histoire originale et plutôt bien pensée.

Vous en voilà les grandes lignes :
L’immeuble Moncey-Nord, dans le centre de Lyon, est encerclé par les forces de police. Les habitants ont piégé leur immeuble d’explosifs et refusent de se rendre…
Deux ans auparavant, Grégory Marc, le narrateur principal, un écrivain sans succès de 35 ans, s’apprête à partir en week-end avec ses vieux amis de fac. Alors qu’il se rend au centre commercial, il se croit victime d’un attentat en pleine rue. Se réveillant aux urgences, il apprend qu’il s’est évanoui sur le trottoir et qu’il souffre d’agoraphobie. Après maintes tentatives infructueuses pour guérir son mal, il se laisse convaincre par son voisin de suivre un séminaire en développement personnel dans une communauté située au fin fond de l’Ardèche. Il y fait la connaissance de Mickael, l’administrateur du hameau et coach des séminaires, qui prône les principes de la Méditation Quantique, une méthode aussi fascinante que déroutante.

Dès les premières pages, on plonge dans un ambiance particulière dans laquelle on retrouve deux hommes, plus ou moins dans un état de panique, encerclés par des hommes armés jusqu’aux dents. Pris au piège ? On ne le saura qu’en lisant le reste du contenu 😉

Alors voilà, ça commence fort, le temps de quelques pages, puis on est balancés dans la vie de Grégory. Grégory, c’est un homme particulier, souffrant d’agoraphobie, la vraie, celle qui vous désarme dès que vous rencontrez quelqu’un, celle qui vous fait vaciller dès qu’une route croise la vôtre. Alors, imaginez. Vous êtes seul, vous sentez seul, enchaînez les crises de panique dues à cette peur viscérale, et prenez peur ne serait-ce que de la ressentir. Du coup, Grégory, c’est un homme un peu à part qui retrouve l’espoir malgré lui en se retrouvant en face d’un homme qui a l’air bien décidé à le guérir. Cet homme, c’est Mickael, un « maître à penser » qui oscille entre concept philosophique et coach de vie. Alors que Mickael surprend son voisin visant une tentative de suicide, ce dernier l’entraîne dans un séminaire et la rencontre entre Grégory et Mickael se fait. Une rencontre qui va bouleverser sa vie et ses idéaux. Ses principes vont être retournés, tant et si bien qu’il va se laisser convaincre par cette pensée qui semble pouvoir l’aider à avancer, à voir les choses différemment.

C’est donc au travers de plusieurs témoignages qu’on va découvrir Mickael et sa vraie nature. En tant qu’homme, est-il bon, mauvais ? Est-ce qu’un concept merveilleux en apparence peut-il justifier des actes somme toute impensables ? Il faut dire que nous aurons plusieurs versions, plusieurs visions, plusieurs personnes qui auront côtoyé ce dernier. Une description du « bon » comme du « mauvais », les deux faces de la personne.

Cette intrigue, elle est donc prenante. Le protagoniste étant narrateur, on entre avec lui dans l’ensemble de ses mésaventures, et on n’a aucun mal à s’établir à ses cotés, que ce soit dans les doutes ou dans les affirmations. Tantôt détestable, tantôt attachant, ce dernier est fouillé et vraisemblablement humain, avec ses qualités, ses défauts, ses envies d’ailleurs, et ses envies tout court.
Grégory nous entraîne, à travers ses différentes pensées et états d’âme qui nous font basculer tantôt d’un coté, tantôt de l’autre. Les pages nous laissent entrevoir une personne au bon fond en Mickael, mais qui s’y prend mal, tout comme on peut découvrir une sorte de monstre atroce se fichant de ses congénères. Là aussi, le personnage nous plonge dans l’indécision : on ne sait pas s’il veut le bien, avec une fin qui justifie les moyens, ou s’il veut tout simplement profiter d’un mode de vie où il n’aurait pas grand chose à faire pour tirer profit des autres. Toujours en balance entre un concept innovant et une haine farouche envers celui qui le propose. Un maître à penser qui n’est pas tout blanc, mais dont on ne connaît pas vraiment l’intention derrière le dessein. Du coup, le personnage de Mickael est vraiment, mais vraiment déroutant, et pour notre plus grand plaisir.

Nous avons donc ici, une histoire bien ficelée, originale, pas si loin d’une réalité dont on essaie de rester éloignés, celle qu’on ne connaît que par « on dit », et dont on n’est surs de rien… Celle qui fait peur, au moins autant qu’elle peut attirer.

Sous une écriture à la forme originale, on aura ici un style soigné. Des mots recherchés, assez pour faire mouche 😉 Une amplitude de vocabulaire et de constructions de narration, un texte un peu « poétique ». Des phrases complexes décorant un sujet qui ne l’est pas beaucoup moins.

Vraiment, on n’est pas au coup de coeur, mais on a là une vraie pépite. Un auteur à suivre, à découvrir, qui a un talent non négligeable et qui ne demande qu’à être connu.
En remerciant Carl Grès de m’avoir fait découvrir son univers, se balançant sur cette société en déclin ouverte à tout concept pouvant lui susurrer un peu d’espoir… L’idée est bonne et la forme est belle ! Bref, foncez 😉

Bonne lecture à tous ! 🙂

2 réponses sur « Matière noire »

Aiguillonnée par la pépite qui se cache entre les strates du texte, Véronique scrute, creuse, sonde, radiographie les livres qu’on lui confie… Cette lectrice passionnée ne ménage pas sa peine pour rédiger ses chroniques que lui inspire son supplément d’âme et qu’il convient de nommer ici, sans fioritures, – le coeur.

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