La poupée aux yeux de verre

Je suis très embêtée par cet ouvrage si particulier. Je suis partagée entre rejet et acceptation, voire inquiète de la facilité déconcertante avec laquelle j’ai réussi à m’identifier au personnage.

Voilà, pour commencer, un petit résumé : Fabriquée en 1815 en Angleterre, après une vie d’ombre et de mystères, elle trouve désormais refuge chez un auteur. Après plusieurs nuits de confessions, il a commencé à écrire son histoire, parfois impossible à mettre en mots tellement l’horreur était insupportable. Il a quand même essayé de retranscrire au mieux ses mémoires. Bienvenue dans la tête d’une poupée.

Pour ma part, je ne connaissais pas du tout Tony Perraut, ce nom sorti de nulle part sur une publication dans un groupe facebook m’a totalement intriguée quand certaines personnes disaient ne pas avoir compris l’intrigue. Du coup, interloquée, j’ai foncé chercher cet OVNI qui donnait du fil à retordre et… mon Dieu, quelle bonne idée. Non pas que je me pense au dessus de qui que ce soit, je ne prétends même pas avoir compris plus que quelqu’un d’autre, mais ma sensibilité a été grandement touchée et, ce que j’ai vu dans ce roman… ça me convient. Ce que j’en ai compris me satisfait totalement, sans savoir si le message lu et celui qu’a voulu faire passer l’auteur sont les mêmes.

Alors ça commence de façon assez abrupte, en 1942, où la guerre fait rage et où les destins changent. La petite Marie trouve Mortifère, une poupée de cire aux yeux de verre. Nous allons suivre cette « amitié » particulière entre cette jeune fille qui cherche un peu de bonheur et d’amour au beau milieu de cette jungle. Malheureusement, nous apprendrons très vite que Marie recevra dans le dos une balle perdue.

Par la suite, propulsés dans le futur, nous nous retrouvons en 2005 à Pemberton, au Canada, où nous suivrons de près le tragique destin de deux sœurs jumelles, Ruth et Rose. Ces demoiselles dont la vie se déroule en cage, au fond d’un hangar. L’espoir n’étant plus vraiment de mise, car elles ne connaissent alors que cette vie là, une vie d’oiseau emprisonné qui ne sait ce qui se passe au dehors, ce qui existe, ce qui est. Elles s’accrochent toutes les deux à leur envie de vivre, sans vraiment savoir ce que ça veut dire, puisqu’elles sont en prison. Prisonnières de qui ? De leur père, ce tendre et cher géniteur qui les séquestre dans son garage.

Enfin, dans un troisième tiroir de l’intrigue, nous nous retrouvons à Vancouver, Canada toujours, en 2021, aux cotés de Rose. Cette fillette devenue femme et qui cherche à se débarrasser de ses fantômes, de ses peurs et de ses tabous à travers l’écriture. Elle est alors devenue romancière et essaye par tous les moyens de se défaire de sa vie d’avant, de s’en exorciser. Mais on ne va pas se mentir, beaucoup seraient traumatisés de moins…

Nous passons ces pages à tomber dans la douleur, à être partagé entre compassion et incompréhension, torturé avec ces protagonistes souffrant le martyre sans forcément en être conscients et on sombre dans l’antre de la folie. Tantôt sous la plume de la poupée, tantôt sous celle du narrateur, tantôt sous celle de Rose… on perd un peu nos moyens pour savoir qui est qui. L’auteur joue avec nos sentiments, nos sensations et se donne un plaisir quasi malsain à nous remettre en rail quand il sent qu’il va trop loin, un petit « tu vois que tu sais qui je suis » ou encore un « je ne suis que narrateur » nous replonge illico dans l’identité de celui/celle qu’on lit. Entre troubles physiologiques, psychologiques, personnification et peurs viscérales, nous avons un récit qui peut toucher tout le monde, d’une manière différente. Les interprétations seront tout aussi nombreuses que les lecteurs…

La plume est fluide, tantôt poétique, tantôt saccadée, nous propose des personnages très bien étudiés et qui sauront garder leurs secrets jusqu’à la dernière ligne. J’ai juste beaucoup apprécié ce livre, cette énigme sur l’identité, cette ambiance macabre palpable tout du long sans gore ajouté. Nous n’avons pas de grands mots pompeux pour nous montrer à quel point la situation est dégueulasse, rien n’est dit trop haut, mais rien n’est caché ! Il faut lire entre les lignes sans en rater une seule, c’est impressionnant et beau. Ce court roman va me laisser une empreinte, là quelque part, entre enfance partie et vieillesse encore absente… à l’affût du souvenir, de l’ami rencontré au détour d’un jeu, imaginé au hasard d’une conversation et… perdu au fil du temps qui passe.

Je le recommande chaudement et… je veux bien des avis d’autres lecteurs de ce livre qui pourraient avoir eu une toute autre impression / interprétation que la mienne…

Bonnes lectures à tous ! 🙂

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